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Le jeu spéculatif aux marges de la culture: mémoire, race, genre et sexualité dans les arts virtuels et digitaux

RILLA KHALED & JASON EDWARD LEWIS en conversation avec AYANNA DOZIER

dim. 4 déc
14 — 15h30

 

Tiré du projet en cours NEO//QAB, par Rilla Khaled.

Tel que judicieusement affirmé par Aimé Césaire dans Discours sur le colonialisme, le but de la colonization consiste à réduire les corps à l’état de choses. Ainsi, “colonization=chosification.” Les objets sont des choses, et tel que le note l’historien culturel Robin Berstein, “la performance est ce qui distingue un objet d’une chose.” J’ajouterais à la remarque de Bernstein que le jeu — qu’il s’agisse du jeu vidéo, du jeu de rôle, etc. — distingue aussi les objets de leur rôle en tant que choses. J’affirme que le jeu est une praxis transformative qui active les sujets, particulièrement ceux qui sont racisés, pour créer des réalités et des corps qui disloquent la fixité des catégories sociales du genre, de la race et de la sexualité. Du coup, ces individus utilisent une praxis du jeu pour séparer leurs corps de l’étiquette qui marque une chose comme chose étant au monde.

Le jeu rend possible l’absurde, le loufoque, ou bien ce que Carla Peterson appelle la “bizarrerie valorisante” (“empowering oddness”), laquelle peut être outillée pour incarner une plus grande liberté de mouvement dans le monde. En raison de ceci, le jeu (et sa soeur, la performance) active les corps aux marges de la culture pour restaurer mouvement et mémoire à leurs vies, à leurs histoires et à leurs futurs. Singulièrement, ce panel réunira des chercheurs provenant et du milieu des arts, et du milieu académique pour explorer et développer les outils d’une pratique antiraciste dans les arts numériques. Par le biais d’une discussion table ronde, nous espérons investiguer la manière dont la mémoire pourrait créer une approche alternative à la création de jeux, aux créations numériques et aux modes de jeu et de performance. Que pouvons-nous apprendre de réalités virtuelles qui permettent aux individus de créer et d’exister dans une chronologie malléable? Que pouvons-nous apprendre d’une chronologie où nous pouvons re-commencer, re-jouer et répéter nos actions et nos expériences à l’infini? Quelles sont les différences entre les modes standards du jeu vidéo et les technologies numériques immersives telles que la ‘réalité virtuelle’? Si le virtuel n’est pas considéré comme une fausse image mais comme une représentation de la réalité, pour utiliser l’expression de Gilles Deleuze, quelle est l’influence des histoires et mémoires des individus racisés sur ces réalités et vice versa? De plus, ce panel rassemblera des experts du milieu des arts digitaux, des humanités et des arts numériques pour offrir une discussion sur la manière dont la culture affecte la façon dont nous formons, créons et interprétons les jeux et autres modes digitaux de production et de performance.


Ayanna Dozier est une candidate au doctorat en Communications enrôlée dans le programme de certificat d’études supérieures de l’Institute for Gender, Sexuality, and Feminist Studies (Université McGill). Elle détient une maîtrise du département de Media, Culture, and Communication de New York University. Ses recherches doctorales actuelles se penchent sur les esthétiques formelles et narratives dans les films expérimentaux de femmes noires après l’ère des Droits Civiques, soutenant que ces esthétiques recoupent les expériences socioculturelles des cinéastes pour offrir un portrait de la Blackness telle que vécue dans le monde. Elle a obtenu des bourses de recherche de Marvel Comics et de l’organisation d’art de performance Performa. Ses textes ont été publiés dans le Liquid Blackness Journal, le International Journal of Comic Art et Performa Magazine. Elle vit présentement à Montréal, Québec (Canada).

Rilla Khaled
est professeure agrégée dans le département de Design and Computation Arts à l’Université Concordia et elle est aussi membre du TAG Lab. Khaled détient un doctorat en Sciences Informatiques de la Victoria University of Welligton, Nouvelle-Zélande. Ses recherches se concentrent sur la conception de jeux plus significatifs et efficaces, convaincants et sérieux, de même que sur le jeu spéculatif, la conception de jeux participatifs, l’intelligence artificielle, et les interactions entre le jeux, la “gamification” et la culture. Comme sa formation est en développement de logiciels et en psychologie interculturelle, ses intérêts s’étendent du domaine de la conception de logiciels au développement de jeux particulièrement stimulants pour et au sein de la culture dont ils sont issus.

Jason Edward Lewis est un professeur titulaire du département de Design and Computation Arts, Université Concordia. Il est le fondateur du Obx Laboratory for Experimental Media, où il dirige des projets de recherche-création et utilise des environnements virtuels pour collaborer avec des communautés aborigènes dans la préservation, l’interprétation et la communication d’histoires culturelles, l’invention de nouvelles méthodes pour créer et lire le ‘texte du multimédia’, et le développement de systèmes pour l’utilisation créative des technologies mobiles. Il est le directeur de Initiative for Indigenous Futures, un partenariat de sept ans financé par le CRSH, une organization étudiant la manière dont les communautés indigènes pourront se mettre en image dans un future rapproché. Lewis a co-fondé et co-dirige le réseau de recherche Aboriginal Territories in Cyberspace, lequel se penche sur les modes de participation des peuples aborigènes dans l’élaboration de notre futur médiatique et numérique. Additionnellement, Lewis co-dirige, à l’école secondaire Kahnawake First Nations, des ateliers combinant récit traditionnel et conception de jeu. Il est engagé au développement de nouvelles et intrigantes formes d’expression en travaillant sur les plans conceptuels, créatifs et techniques tout à la fois.